la Bête au yeux clos


Dans les ténèbres d'une forêt ancienne, où les murmures des arbres racontent des histoires oubliées, j'ai rencontré la bête. C'était une nuit d'hiver, la lune brillant de son éclat argenté, lorsqu'une silhouette émergea des ombres. Sa démarche était celle d'un prédateur, mais ses yeux brûlaient d'une intelligence humaine. White Fell était son nom, une louve-garou énigmatique dont la présence imposait un respect immédiat.


Au début, notre rencontre était empreinte de méfiance, un duel silencieux d'intellects et de volontés. Moi, Vlad Basarab, j'avais traversé les âges, devenant une légende dans l'ombre. Et elle, White Fell, portait en elle la sauvagerie des forêts du Nord, une créature de légendes anciennes. Ensemble, nous étions comme deux souverains d'un royaume oublié, régnant sur la nuit et ses mystères.


Au fil des nuits passées à parcourir les bois enneigés, un lien s'est tissé entre nous. White Fell, avec ses récits de chasses et de lunes, révélait une noblesse brute, une majesté qui défiait sa nature bestiale. Ses yeux, reflet d'un monde sauvage et libre, m'ont rappelé ma propre puissance d'antan, lorsque je gouvernais en tant que prince des ténèbres.



Dans notre solitude partagée, nous avons trouvé une camaraderie inattendue. Nos discussions, sous le ciel étoilé, étaient un mélange de silences contemplatifs et de confessions murmurées. White Fell m'a appris à écouter les voix de la nuit, à comprendre les murmures du vent et le chant des étoiles. À travers elle, j'ai redécouvert une part de l'humanité que je croyais perdue.


Ensemble, nous dominions les nuits. Nos chasses étaient des danses de mort et de grâce, un ballet nocturne où nous étions les acteurs principaux. White Fell, dans sa forme lupine, était une vision de force et d'élégance, tandis que moi, sous ma forme vampirique, je me mouvais avec une agilité surnaturelle. Nous étions unis dans notre diversité, un couple royal des ténèbres, régissant un royaume où les mortels n'osaient s'aventurer.


Cette première partie de notre histoire était un prélude à des révélations plus profondes, un commencement où chaque instant partagé avec White Fell semblait ouvrir de nouveaux horizons. Dans son regard de bête, je voyais un miroir de ma propre âme, une réflexion de la dualité que je portais en moi.


L'errance nous avait menés à travers des forêts anciennes et des vallées enveloppées de brume, White Fell et moi, compagnons dans un monde où nous ne faisions qu'un avec les ombres. Nos nuits étaient ponctuées de chasses, un ballet sauvage sous la lueur de la lune, où la distinction entre le prédateur et la proie se brouillait dans le frisson de l'instinct.


White Fell, dans sa forme lupine, était une incarnation de la pureté primitive. Sa course à travers les bois était un spectacle de grâce et de force, chaque mouvement reflétant une harmonie naturelle avec le monde sauvage. À ses côtés, je me sentais renouer avec un aspect de mon être longtemps oublié, une partie de moi qui résonnait avec les rythmes anciens de la terre.


Nos chasses n'étaient pas seulement une quête de nourriture, mais un rituel, un moment de connexion profonde avec la nature. White Fell chassait avec une précision et une élégance qui défiaient sa nature bestiale, chaque proie capturée avec respect, chaque vie prise avec une sorte de gratitude silencieuse. C'était une leçon de vie et de mort, un rappel que dans la sauvagerie de la chasse résidait une forme de pureté.



La nuit, nos conversations tournaient autour de nos expériences passées, nos victoires et nos défaites, nos espoirs et nos peurs. Dans ces moments, White Fell se révélait sous un jour différent, partageant des pensées qui montraient la profondeur de son âme. Elle parlait de la pureté non comme d'une absence de souillure, mais comme d'une vérité inhérente à la nature, une essence que l'on retrouve dans le cycle immuable de la vie.


Notre errance nous a conduit à des lieux où les traces du monde moderne semblaient s'effacer, laissant place à une réalité plus ancienne et plus sauvage. Dans ces espaces intemporels, je sentais les barrières entre mon passé et mon présent s'estomper, me laissant face à l'essence même de mon être. White Fell était à la fois ma guide et ma compagne dans cette quête de compréhension, un lien entre le monde des hommes et celui des légendes.


Un soir, après une chasse particulièrement intense, nous nous sommes arrêtés au bord d'un lac tranquille, son eau reflétant les étoiles comme des joyaux dans un écrin de nuit. White Fell, à mes côtés, contemplait le ciel, ses yeux capturant l'éclat des étoiles. Dans le silence, j'ai senti une paix s'installer en moi, une sérénité qui transcende les tumultes de l'existence.


Ce moment de tranquillité était un rare cadeau, une pause dans notre voyage éternel. À travers les yeux de White Fell, j'ai commencé à percevoir une beauté différente dans le monde, une beauté née de la pureté des éléments, de l'harmonie de la nature.


Au fil de nos pérégrinations, une tension sous-jacente commença à s'insinuer dans notre existence nocturne. White Fell, autrefois si maîtresse de ses métamorphoses, commença à montrer des signes de lutte intérieure. Chaque transformation semblait devenir plus ardue, comme si une force obscure cherchait à la retenir dans sa forme lupine.


Cette résistance intérieure se manifestait de manière de plus en plus évidente. White Fell, qui avait toujours incarné une puissance sauvage contrôlée, se retrouvait maintenant aux prises avec son propre être. Lors de nos chasses, je remarquais une brutalité accrue dans ses attaques, un abandon presque total à son instinct animal.


Un soir, alors que la lune était cachée derrière un voile de nuages, White Fell s'effondra, épuisée, à l'orée d'une clairière. Elle me regarda de ses yeux emplis d'une détresse muette, une supplique silencieuse pour comprendre ce qui lui arrivait. Dans son regard, je lisais non seulement la peur de perdre son humanité, mais aussi la crainte d'un danger plus grand, insaisissable.


J'ai commencé à suspecter que quelque force maléfique était à l'œuvre, cherchant à perturber l'équilibre délicat que White Fell avait maintenu entre sa nature humaine et sa forme de loup. Cette force semblait s'attaquer à l'essence même de son être, menaçant de la submerger.


Dans les jours qui suivirent, notre voyage prit un tour plus sombre. Nous avons parcouru des territoires marqués par des signes de corruption, des arbres noircis, des sources asséchées. La faune même semblait avoir été touchée, les animaux évitant notre présence, leurs yeux emplis d'une peur instinctive.


Une nuit, nous avons été attaqués par une meute de loups, leurs yeux brillant d'un éclat malsain. White Fell s'est battue avec une fureur désespérée, repoussant les assaillants avec une force qui semblait puisée dans les abysses de son âme. Je l'ai soutenue du mieux que je pouvais, mais il était clair que ce combat était plus que physique, c'était une bataille pour son essence même.


Après l'affrontement, White Fell s'est effondrée, tremblante, sous sa forme humaine. Elle était épuisée, ses yeux reflétant un mélange de soulagement et de peur. J'ai veillé sur elle, comprenant que notre alliance était désormais plus qu'une simple compagnie, c'était un pacte de survie.


Les jours suivants ont été un mélange de répit et de tension. White Fell luttait pour maintenir son humanité, chaque transformation devenant un acte de résistance contre une force obscure qui cherchait à l'engloutir. Je me tenais à ses côtés, non seulement en tant que compagnon, mais en tant que protecteur, conscient que le destin de White Fell était désormais lié au mien.


Dans cette lutte, j'ai vu en White Fell un reflet de ma propre résistance contre les ténèbres qui m'habitaient. Ensemble, nous étions devenus les gardiens d'un secret ancien, un secret qui menaçait de dévorer nos âmes.


À mesure que notre voyage se poursuivait, la tension s’intensifiait, transformant chaque nuit en un terrain d’affrontement contre des forces obscures. White Fell et moi, devenus inséparables dans notre quête, nous confrontions à des dangers croissants, des ennemis de plus en plus redoutables. La nature même de la forêt semblait changer, devenant un labyrinthe de peur et de menaces.


Un soir, alors que les vents hurlaient comme des fantômes perdus, nous avons été encerclés par une meute de créatures dont l’aspect même défiait la nature. Ces bêtes, aux yeux luisants d'une lueur malveillante, étaient des aberrations, des créatures corrompues par une magie noire. White Fell, sous sa forme de loup, se dressa à mes côtés, prête à combattre jusqu’à son dernier souffle.


L'affrontement qui s'ensuivit fut brutal et désespéré. Chaque coup que nous portions semblait à peine ébranler nos adversaires, chacun de leurs assauts empreint d'une force surnaturelle. White Fell, malgré sa fatigue et sa lutte intérieure, combattait avec une férocité qui forçait mon admiration. Ensemble, nous formions une alliance de feu et d'ombre, unissant nos forces contre l’obscurité qui cherchait à nous engloutir.


Au cœur de la bataille, un événement inattendu se produisit. White Fell, poussée à l’extrême, libéra une force que je n'avais jamais vue en elle. Dans un cri mêlant douleur et puissance, elle se transforma, son corps s'agrandissant, sa fourrure prenant une teinte argentée éblouissante. Elle était devenue l’incarnation même de la rage et de la résistance, une force de la nature défiant les lois du monde.


Cette transformation changea le cours de la bataille. White Fell, sous cette forme nouvelle et terrifiante, dispersa nos ennemis avec une puissance qui semblait puisée des profondeurs de la terre elle-même. Mais cette victoire avait un coût. Alors que le dernier des agresseurs fuyait, White Fell s'effondra, reprenant sa forme humaine, son corps marqué par les blessures et l'épuisement.


Je me précipitai à ses côtés, réalisant avec horreur l'étendue de son sacrifice. Elle avait puisé dans des réserves d'énergie inconnues, risquant sa propre existence pour nous sauver. Ses yeux me rencontrèrent, emplis de douleur mais aussi d'une résignation tranquille. Elle savait ce qu'elle avait fait, elle connaissait le prix de sa transformation.


Dans les heures qui suivirent, je veillai sur elle, partagé entre l'admiration pour son courage et la crainte de la perdre. White Fell, affaiblie mais sereine, murmurait des mots que je peinais à comprendre, des paroles d'adieu ou peut-être de réconfort.


Cette nuit-là, je compris que White Fell était bien plus qu'une simple alliée ou une compagne de route. Elle était devenue une part de moi, un reflet de ma propre lutte contre les ténèbres. Son sacrifice avait été un acte de pureté, un rappel que même dans notre monde de créatures de la nuit, il existait encore de l'honneur et de la noblesse.


Les heures s'écoulèrent dans un silence pesant, brisé seulement par le souffle faible de White Fell. Elle gisait là, blessée et affaiblie, une ombre de la créature puissante qu'elle avait été. À ses côtés, j'étais tiraillé entre la désolation et une résolution farouche. La mort rôdait, un spectre familier à mes yeux immortels, mais cette fois, elle venait réclamer une âme que je n'étais pas prêt à abandonner.




Dans un geste désespéré, j'ai envisagé de la transformer, de lui offrir le don obscur de l'immortalité vampirique. Je m'approchai, les veines palpitantes d'une puissance ancestrale, prêt à partager mon essence même. Mais alors que mes crocs effleuraient sa peau pâle, White Fell ouvrit les yeux. Dans son regard, je vis une détermination inébranlable, un refus silencieux mais ferme. Elle ne voulait pas de l'immortalité à ce prix.


Elle murmura d'une voix à peine audible, ses mots portant le poids d'une sagesse acquise dans la douleur et la lutte. "Laisse-moi partir, Vlad. Ma place n'est pas dans ton monde d'ombres éternelles. Je préfère rejoindre les étoiles, libre et indomptée." Ses mots étaient un adieu, une acceptation sereine de son destin.


À contrecœur, je me suis écarté, respectant son choix. White Fell, avec un dernier souffle, se tourna vers le ciel nocturne, ses yeux reflétant la lueur des étoiles lointaines. Puis, doucement, elle s'éteignit, son âme s'envolant vers les mystères de l'au-delà.


Dans ma douleur et ma solitude, je pris l'amulette de fleur de lys qu'elle portait toujours autour du cou. Ce bijou, simple mais élégant, était devenu un symbole de notre lien indéfectible. Il représentait tout ce que nous avions partagé, nos rires et nos larmes, nos chasses et nos nuits sous les étoiles. Désormais, il serait un souvenir éternel de White Fell, un rappel de sa force, de sa grâce et de son esprit indomptable.


En quittant ce lieu de tristesse, je réalisai que White Fell avait rejoint Mina dans le panthéon de ma mémoire. Elles étaient toutes deux des figures de pureté et de courage, des âmes qui avaient touché la mienne et l'avaient transformée. White Fell, dans sa vie et dans sa mort, avait laissé une marque indélébile sur mon existence éternelle.




Alors que je m'éloignais, l'amulette de fleur de lys suspendue à mon cou, je sentis en moi un mélange de douleur et de gratitude. White Fell m'avait enseigné une leçon précieuse, celle de la force dans la vulnérabilité, du courage dans l'adversité. Sa mémoire vivrait en moi, un phare dans les ténèbres de mon éternité.